• AVRIL 1912, un an après ce mauvais jour

    Maxime Le Forestier
    LES LETTRES
    Paroles et musique: Maxime Le Forestier, 1975
     
     
    Avril 1912, ma femme, mon amour,
    Un an s'est écoulé depuis ce mauvais jour
    Où j'ai quitté ma terre.
    Je suis parti soldat comme on dit maintenant.
    Je reviendrai te voir, d'abord de temps en temps,
    Puis pour la vie entière.
    Je ne pourrai venir sans doute avant l'été.
    Les voyages sont longs quand on les fait à pied.
    As-tu sarclé la vigne?
    Ne va pas la laisser manger par les chardons.
    Le voisin prêtera son cheval aux moissons.
    Écris-moi quelques lignes.
     
    Hiver 1913, mon mari, mon amour,
    Tu ne viens pas souvent, sans doute sont trop courts
    Les congés qu'on te donne
    Mais je sais que c'est dur, cinquante lieues marchant
    Pour passer la journée à travailler aux champs,
    Alors, je te pardonne.
    Les vieux disent qu'ici, cet hiver sera froid.
    Je ne sens pas la force de couper du bois
    J'ai demandé au père.
    Il en a fait assez pour aller en avril
    Mais penses-tu vraiment, toi qui es à la ville,
    Que nous aurons la guerre?
     
    Août 1914, ma femme, mon amour,
    En automne au plus tard, je serai de retour
    Pour fêter la victoire.
    Nous sommes les plus forts, coupez le blé sans moi.
    La vache a fait le veau, attends que je sois là
    Pour le vendre à la foire.
    Le père se fait vieux, le père est fatigué.
    Je couperai le bois, prends soin de sa santé.
    Je vais changer d'adresse.
    N'écris plus, attends-moi, ma femme, mon amour,
    En automne au plus tard je serai de retour
    Pour fêter la tendresse.
     
    Hiver 1915, mon mari, mon amour,
    Le temps était trop long, je suis allée au bourg
    Dans la vieille charrette.
    Le veau était trop vieux, alors je l'ai vendu
    Et j'ai vu le vieux Jacques, et je lui ai rendu
    Le reste de nos dettes.
    Nous n'avons plus un sou, le père ne marche plus.
    Je me débrouillerai, et je saurai de plus
    En plus être économe
    Mais quand tu rentreras diriger ta maison,
    Si nous n'avons plus rien, du moins nous ne devrons
    Plus d'argent à personne.
     
    Avril 1916, ma femme, mon amour,
    Tu es trop généreuse et tu voles au secours
    D'un voleur de misères
    Bien plus riche que nous. Donne-lui la moitié.
    Rendre ce que l'on doit, aujourd'hui, c'est jeter
    L'argent au cimetière.
    On dit que tout cela pourrait durer longtemps.
    La guerre se ferait encore pour deux ans,
    Peut-être trois ans même.
    Il faut nous préparer à passer tout ce temps.
    Tu ne fais rien pour ça, je ne suis pas content,
    Ça ne fait rien, je t'aime.
     
    Ainsi s'est terminée cette tranche de vie,
    Ainsi s'est terminé sur du papier jauni
    Cet échange de lettres
    Que j'avais découvert au détour d'un été
    Sous les tuiles enfuies d'une maison fanée
    Au coin d'une fenêtre.
    Dites-moi donc pourquoi ça s'est fini si tôt.
    Dites-moi donc pourquoi, au village d'en haut,
    Repassant en voiture,
    Je n'ai pas regardé le monument aux Morts
    De peur d'y retrouver, d'un ami jeune encore,
    Comme la signature.

     

     

     

     

     

     

     

    Un joli témoignage chez ICI

    il nous fait partager une histoire et les photos de son grand père


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 08:44
    Monelle

    Quelle chanson émouvante !! merci de me l'avoir fait écouter !

    Bonne journée - bisous

    Monelle

    2
    ABC
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 09:54
    ABC

    Joli ! Plaisir de relire ces vers !

    3
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 12:49
    Jean-Michel

    Hélas, aujourd'hui encore la guerre génère trop de malheur de part le monde, pensons bien sûr aux morts passés, mais n'oublions pas les tueries barbares actuelles.

    JMB

    4
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 13:50
    jean

    Il n'y a pas une famille en france qui n'a pas été touché par ce drame de la guerre....

    Sincèrement

    Jean

    5
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 14:23
    Marité

    Bel hommage Nini.

    Il est des lettres de poilus très poignantes...
    BISOUS.

    6
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 17:27
    Michel

    C'est très beau et au travers de ces vers on retrouve ce que les uns et les autres ont enfoui dans leur mémoire et c'est en ces jours de commémoration que nous devons réveiller nos mémoires pour ne pas oublier que ce sont tous ses hommes qui ont permis de ne pas aliéner nos LIBERTES.

    Belle soirée.

    Amitiés de Michel.

    http://mickaelsblog.blog50.com/archive/2010/11/11/souvenons-nous-en-cette-journee-du-11-novembre.html

    7
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:25
    NicoleNini

    contente du partage Bonne soirée Nini

    8
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:27
    NicoleNini

    je ne suis pas comme toi, je me sers des vers des autres. belle soirée au coin du feu

    9
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:31
    NicoleNini

    hélas !

    10
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:31
    NicoleNini

    j'attends la réponse du tatovage comme disait un humoriste

    11
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:32
    NicoleNini

    ce soir j'ai déjà vu le film joyeux noel, un moment qui nous montre l'ultra connerie de ces tueries Bon, on se sape pas le moral. Bonne soupe

    12
    Jeudi 11 Novembre 2010 à 18:36
    NicoleNini

    j'ai remis le bon lien merci Bonne soirée

    13
    Vendredi 12 Novembre 2010 à 17:04
    Brunô

    Des mots de tous les jours pour des êtres entrainés de le tourbillon de l'histoire écrite par d'autres.

    14
    Vendredi 12 Novembre 2010 à 19:39
    NicoleNini

    longtemps j'ai cru que c'étaient de vraies lettres. Alors la neige est là ??

    15
    Vendredi 12 Novembre 2010 à 22:25
    Armide+Pistol

    Comme j'aimais cet artiste qui semble être tombé dans les oubliettes. Quel dommage.

    Le texte est bien d'actualité.

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    16
    Dimanche 14 Novembre 2010 à 07:13
    NicoleNini

    il doit savourer des jours heureux au calme. Bonne journée

    17
    Lundi 21 Mars 2011 à 19:39
    Armide+Pistol

    Vivement émue par cet échange épistolaire que j'imagine brutalement interrompu au cours d'une attente interminable. Que reste-t-il de tout cet amour, de cette noblesse si bien évoquées par Maxime Le Forestier ? (que malheureusement, nous n'entendons plus beaucoup).

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